Martin Lefebvre :
Bonjour à tous. Bienvenue et merci de suivre notre balado BNI. Je suis Martin Lefebvre, chef des placements et stratège à la Banque Nationale. Aujourd'hui, notre invité est Jean-David Meloche de Montrusco Bolton Jean-David est responsable des actions mondiales pour la société. Il est gestionnaire des FNB actifs d’actions américaines et internationales BNI, NUSA et NINT, comme nous les appelons. Il s’est joint à Montrusco Bolton en janvier 2005 à titre d’analyste des actions couvrant le secteur financier et Jean David est également détenteur de la désignation CFA. Bienvenue Jean David.
Jean-David Meloche :
Bonjour, heureux d’être ici !
Martin Lefebvre :
Jean-David, dans le cadre du Jour de la Terre qui se tiendra le 22 avril, nous avons voulu orienter nos discussions vers un sujet qui a été récemment au cœur de nos préoccupations et qui a évolué très rapidement ces derniers temps. Il s'agit des questions environnementales, sociales et gouvernementales ou des considérations ESG à mesure qu'elles deviennent connues. Alors, première question pour vous : comment les facteurs ESG influencent-ils les décisions d’investissement et la construction du portefeuille? Et quelles sont certaines des meilleures pratiques qui pour les adopter dans une philosophie de placement.
Jean-David Meloche :
Donc, il y a plusieurs façons de procéder. Le premier aspect, c’est qu’ils façonnent notre univers d’investissement, en excluant les sociétés qui, par exemple, fabriquent des produits qui nuisent aux sociétés, pensons à différents types d’armes, mais aussi l’univers d’investissement façonné à partir de notre système de notation interne. Nous cherchons donc à déterminer si un modèle d’affaires est « investissable » ou non en suivant notre processus, qui consiste à évaluer les sociétés et qui déterminera si le résultat obtenu est suffisamment élevé pour faire partie de notre univers de placement. Deuxièmement, l’incidence sur notre portefeuille découle des mesures en continu. Nous relevons toujours la barre en ce qui a trait à nos critères de durabilité et, bien sûr, les sociétés prennent des décisions en fonction de la perception qu’elles ont de leur « capacité d’investissement » au fil du temps. Ainsi, chaque année, nous avons vendu des entreprises en nous basant uniquement sur notre système de notation. Une entreprise n’est donc plus investissable si elle a fait quelque chose d’inacceptable pour nous. Ou encore, il y a parfois un certain glissement ;ellels ne réussissent pas à suivre leur groupe de pairs et, tout à coup, ellels échouent tout simplement et redeviennent ininvestissables. Enfin, les facteurs ESG auront une incidence sur notre perception de l’évolution du profil de risque d’autres sociétés. Et parfois, des points d’inflexion potentiels dans les moteurs de croissance. Pensons aux changements possibles à la loi ou au réchauffement de la planète. Par conséquent, lorsque je parle d'une mesure législative, disons une mesure législative concernant l'empreinte carbone et le coût qui s'y rattache. Ensuite, le réchauffement de la planète aura une incidence sur la plupart des modèles d’affaires au fil du temps. Cela aura donc une incidence sur notre perception des entreprises.
Martin Lefebvre :
Avez-vous des exemples? Qui est le champion des facteurs ESG? Vous avez parlé de l'évolution des pratiques. Pouvez-vous nommer quelques entreprises qui ont modifié leurs pratiques pour se concentrer davantage sur ces critères?
Jean-David Meloche :
Je crois que nous avons constaté une amélioration générale de la sensibilité de l’équipe de direction et de l’intégration des préoccupations des investisseurs en matière d’ESG. Voici un exemple tout récent et connu. Adidas a changé. Adidas fabrique des chaussures que j’utilise parce qu’il s’agit d’une société de consommation discrétionnaire et que tout le monde la connaît. Ils changent leur chaîne d'approvisionnement. Ils ont mis l’accent sur l’approvisionnement éthique en matières premières et sur les efforts visant à intégrer des matières recyclées dans les produits finis. Nous ne recherchons pas nécessairement la plus belle entreprise, celle qui obtient les meilleurs résultats. Ils déterminent simplement notre univers de placement et guident notre pratique d’engagement auprès des équipes de direction. Une réponse rapide à votre question : Adidas, qui vient tout juste de se concentrer sur l’approvisionnement éthique en matières premières et sur l’intégration de matières recyclées.
Martin Lefebvre :
Bon, vous avez parlé à beaucoup de directeurs financiers et de chefs de la direction. Comment pouvez-vous aider les entreprises à améliorer leur performance et leur information en matière d’ESG? En quoi cela est-il important pour vous dans votre pratique?
Jean-David Meloche :
C'est très important pour nous et pour la façon dont les sociétés ou notre entreprise le font. C’est donc la même chose que pour n’importe quel gouvernement institutionnel, public ou privé. Vous avez besoin de l’appui évident de la haute direction. Vous avez besoin d’une formation continue à tous les niveaux. Et si vous partez d’un bas niveau, vous devez embaucher des leaders d’opinion pour bâtir votre base de connaissances. Vous devez mettre en place des mesures d’incitation pour récompenser les grandes initiatives, pour récompenser les grands résultats. Ensuite, vous devez appliquer vos connaissances et vos valeurs en matière d’ESG pour changer votre façon de faire des affaires.
Martin Lefebvre :
D’accord, et si nous nous penchons un peu plus sur la question de l’information financière, quel type de mesure cherchez-vous précisément?
Jean-David Meloche :
Oui, donc, ce qui est très quantifiable en ferait partie., Nous portons évidemment attention à l'intensité carbone. Passons à un, deux, trois pour ceux qui sont rendus là. Nous examinerons de nombreux critères. Pensez aussi au pourcentage de femmes qui occupent des postes de haute direction. Pensez aussi au pourcentage de femmes au sein des conseils d'administration des entreprises. Ces éléments sont donc faciles à quantifier. Pensez à l'utilisation de l'eau et aux objectifs en matière d'utilisation de l'eau par dollar de revenu. Beaucoup de choses peuvent donc être quantifiées et peuvent être comparées entre les sous-secteurs, les secteurs, les industries et l'économie en général, et cela nous aide à choisir les entreprises et nous aide à nous engager dans des entreprises qui sont peut-être un peu plus faibles et qui, comme vous le savez peut-être, ne sont peut-être pas aussi conscientes qu'elles le doivent l’être pour nous.
Martin Lefebvre :
Comme je l’ai mentionné dans l’introduction, les facteurs ESG évoluent très rapidement depuis quelque temps. Croyez-vous que cela finira par devenir la norme de l'industrie? Quelles tendances observez-vous dans un proche avenir?
Jean-David Meloche :
Oui, nous constatons qu’on met de plus en plus l’accent sur les répercussions climatiques, peut-être avec des cibles précises de la part des propriétaires d’actifs qui participent également. Nous avons des engagements plus précis, ou nous espérons que des engagements plus précis définissent clairement comment les objectifs à long terme peuvent être réellement atteints. Nous avons donc eu une vague de fixation d’objectifs. Donc, si vous prenez l’empreinte de CO2, une grande partie d’ici 2050, nous nous attendons à des engagements zéro carbone. Cependant, ce que nous espérons et ce que nous voyons actuellement, c'est davantage de précisions. Vous savez, sur quelle technologie vous appuyez-vous? Comment s’y rendre? Un peu plus d'étapes, un peu plus de clarté, c'est une tendance que nous espérions et que nous voyons partout.
Martin Lefebvre :
D’accord, et pour ce qui est de secteurs ou d’industries particulières, lesquels de ces secteurs ou industries profiteront le plus de ces tendances?
Jean-David Meloche :
Je suppose que depuis un certain temps, nous avons vu... Nous avons vu les secteurs industriels les plus intéressants, si l'on pense à l'intérêt des investisseurs. Si l’on prend l’exemple de l’intensité carbone, la demande d’investissements permettant d’améliorer rapidement les caractéristiques d’un portefeuille, par exemple en réduisant l’empreinte carbone, est actuellement très forte. Il est beaucoup plus facile de vendre un modèle d'entreprise à forte empreinte carbone et d'acheter un modèle d'entreprise à faible empreinte carbone que de s'engager à accroître la durabilité, par exemple, du profil carbone des entreprises dans lesquelles vous avez investi actuellement. Donc, à court terme ou dans les secteurs récents qui ont profité, ce sont vraiment les entreprises qui, par leurs activités ou par le type d'entreprise qu'elles exploitent, sont perçues positivement. Et cela permet de vendre immédiatement quelque chose qui semble un peu sale, avec une empreinte carbone élevée, un modèle d’entreprise qui consomme beaucoup d’énergie. Nous assistons donc à de nombreux changements. Et ce que j’aimerais voir à l’avenir, c’est qu’il faut tous les secteurs pour que l’économie progresse. Et notre approche préférée consiste à dialoguer avec, oui, bien sûr, la plus jolie entreprise qui fabrique des panneaux solaires et des choses de ce genre, mais aussi avec la société de camionnage. Je veux dire que pour qu’un panneau solaire ait une quelconque utilité, il faut le mettre sur un camion à plateforme, le diesel Bernstein, et l’emmener à un endroit où il pourra être utilisé. Nous essayons donc d'éviter d'investir directement dans des entreprises qui ont déjà une empreinte carbone et d'obtenir ce portefeuille diversifié, tout en reconnaissant que l'économie est une forme d'équilibre, que c'est complexe, que c'est compliqué. Et nous espérons qu’à l’avenir, vous aurez beaucoup d’actifs sensibles aux facteurs ESG qui resteront investis dans les entreprises qui, de par leur nature, ont une empreinte carbone élevée et qui les aident à progresser, à trouver des façons d’améliorer la pression là aussi pour faire avancer les choses. Pour répondre brièvement à votre question, je dirai que beaucoup des premiers avantages découlent de la demande d'accès à un modèle d'affaires plus joli et à des segments à faible intensité carbone, et j'espère que les tendances se dirigent vers une plus grande partie de l'économie où des pressions peuvent encore être exercées. Ce n'est tout simplement pas une solution miracle aux statistiques de portefeuille.
Martin Lefebvre :
Alors, ces entreprises sont déjà les meilleures. J'imagine que vous cherchez à investir davantage dans celles qui s'améliorent. Si nous nous tournons vers les investisseurs, et vous avez dit que certaines entreprises sont les meilleures, mais lorsque nous regardons certaines entreprises, que ce soient les véhicules électriques, pour ne pas les nommer, certains disent qu'elles sont bonnes pour l'environnement, d'autres disent qu'elles sont de grands pollueuses en raison des métaux des terres rares qu'elles demandent, vous savez, elles font partie de l'intégration. Qu'est-ce que les investisseurs devraient prendre en considération lorsqu'ils évaluent la performance ESG?
Jean-David Meloche :
Je pense qu'il y a beaucoup de bonnes façons. Nous abordons la question en tenant compte de l'incidence d'un modèle d'affaires sur les gens, la société, la planète et la gouvernance. Nous accordons beaucoup d'attention à la divulgation, et c'est très important pour nous. Nous portons attention à un certain nombre de critères liés à l’exploitation, à la productivité et aux partenariats établis par les entreprises. Dans ces segments, nous étudions 53 critères. Nous collaborons avec l’équipe de direction lorsque nous voyons des possibilités d’amélioration. Si une entreprise fait déjà quelque chose d'extrêmement bien, et non pas quelque chose que nous soulevons, nous passons aux critères où il y a peut-être plus de travail à faire. Nous n’abordons jamais cette question d’un point de vue moral. Comment osez-vous ne pas calculer votre empreinte CO2? Il s'agit en fait de comprendre la chaîne de valeur de l'entreprise et de réfléchir ou de partager ce que d'autres entreprises ont fait [...] dans leur environnement, peut-être des entreprises avec lesquelles elles ont des liens, et juste, je suppose, de mettre l'épaule à la roue et d'essayer d'aider la gestion des entreprises dans lesquelles nous avons investi à long terme. Et, oui, utiliser tous les critères, toutes les compétences et l’expérience que nous avons, je suppose, et suscite des idées lorsque nous interagissons avec les équipes de direction.
Martin Lefebvre :
Vous avez parlé des tendances dans l'industrie, mais qu'en est-il de l'attitude des investisseurs à l'égard des investissements ESG? Quelles tendances clés observez-vous, et est-ce que cela devient de plus en plus populaire, ou est-ce simplement une bonne chose d’avoir une discussion de temps à autre?
Jean-David Meloche :
Non, je pense qu’il devient de plus en plus populaire. Il y a quelques années, dans de nombreux marchés, les facteurs ESG étaient considérés avec méfiance. Le gestionnaire de portefeuille sacrifie-t-il le rendement des placements pour rechercher des avantages nébuleux qu'un client peut voir ou mesurer? Et cela inquiétait beaucoup de clients. Je ne crois pas que les clients doivent sacrifier leur performance pour investir de façon plus durable. Je pense qu’il y aura un débat constant sur les critères ESG et les avantages de l’engagement des entreprises. Et il y a toujours des critiques à l'égard d'un nettoyage écologique potentiel ou de la question de savoir si un gestionnaire s'acquitte de ses obligations fiduciaires lorsqu'il porte autant d'attention à des questions plus générales. Et je pense que tout cela est sain. Je pense que poser plus de questions est toujours une bonne tendance. Je pense aussi que d'autres mesures législatives amélioreront d'une certaine façon le cadre du débat, ce qui facilitera la compréhension pour la plupart des clients. Mais oui, il y a eu un changement d'attitude radical de, c'est quelque chose qui me coûte, vous savez, c'est quelque chose qui pourrait être, vous savez, rentable à la fois pour le rendement et en même temps pour rendre le monde meilleur. Je pense donc que c'est une excellente question.
Martin Lefebvre :
Donc, si je comprends bien ce que vous dites, il n'est plus nécessaire d'être agnostique pour les critères ESG.
Jean-David Meloche :
Absolument pas.
Martin Lefebvre :
D’accord, ces tendances sont-elles susceptibles de façonner l’avenir du secteur des placements? Pensez-vous que les facteurs ESG finiront par être la norme? Est-ce que tout le monde va le faire?
Jean-David Meloche :
Je pense que l'industrie continuera de diversifier son approche en matière de durabilité. Et, vous savez, une partie de cette diversification viendra des entreprises et, vous savez, des propriétaires d’actifs qui évitent ce type de responsabilité. Je pense que les législateurs devront offrir des normes intelligentes, claires et évolutives à la société et aux sociétés d'investissement, et j'espère que cela s'appliquera de façon uniforme dans le plus grand nombre de régions possible. Et oui, je pense qu’il s’agit là des changements à venir dans notre secteur de l’investissement.
Martin Lefebvre :
Trouvez-vous que le Canada est en quelque sorte pris entre l'arbre et l'écorce? Vous savez, nous accueillons favorablement tout ce qui vient d'Europe, mais nous sommes aussi un grand producteur de pétrole et notre voisin au sud des États-Unis voit ce genre de stratégie comme étant « woke », pour ne pas dire autre chose, mais que pensez-vous de cela?
Jean-David Meloche :
Les États-Unis ne sont pas monolithiques. C'est dans son approche. Il y a des États qui prennent position et qui se rebiffent. Et il y a généralement des raisons idiosyncrasiques au sein de ces États. Il y a ensuite le concept de partisanerie politique global. Mais je suis d’accord avec vous. Je pense que le Canada se rapproche d'une législation plus claire. Et cela sera le bienvenu. Mais bien sûr, beaucoup de nations qui ont... beaucoup de pétrole sont sensibles au bien-être économique de leurs différentes régions. Et je pense que c'est sain, alors le débat se poursuit. Mais oui, nous progressons un peu plus lentement que certains pays qui n'ont pas ce groupe d'intérêt.
Martin Lefebvre :
J'imagine que c'est un bon point de départ pour ma prochaine et probablement ma dernière question. Y a-t-il des défis potentiels associés aux investissements ESG dont les investisseurs devraient être conscients?
Jean-David Meloche :
Très nombreux. Je m'inquiète d'une forme de risque lié à la mode où les clients investissent dans des produits axés sur les facteurs ESG qui pourraient ne pas atteindre les exigences de rendement du client et qui généreraient de la déception et un ressac contre l'investissement durable. Je m’inquiète donc beaucoup à ce sujet. En partie parce que j’estime que l’identification de modèles d’affaires durables n’exige pas autant de compétences que la surperformance des indices de référence sur une base durable ajustée en fonction du risque. C’est pourquoi la législation est si importante pour souligner les responsabilités et s’assurer que les produits sont adaptés à la clientèle et que la clarté est importante et nous ne voulons pas d’un retour en arrière. Je pense qu'il n'est pas nécessaire d'investir de façon durable pour évaluer le rendement, et je pense qu'il incombe au propriétaire de l'actif d'en tenir compte dans son investissement global et dans sa valeur globale. Il y a un impact, et donc plus d'information, plus de transparence et plus de lois sur la transparence ne peuvent qu'aider à la durabilité à long terme et éviter les revers que nous voyons dans un certain nombre de régions.
Martin Lefebvre :
Merci beaucoup d’avoir accepté d’être notre invité aujourd'hui. Merci beaucoup à tous. Jean-David Meloche est responsable des actions mondiales chez Placements Montrusco Bolton. Merci beaucoup d’avoir écouté cet épisode des balados BNI, et nous reparlerons le mois prochain.
Jean-David Meloche :
J’apprécie les questions. Merci beaucoup.