(Traduction du balado enregistré en anglais)
Martin Lefebvre
Bonjour à tous et à toutes. Je suis Martin Lefebvre, chef des placements chez Banque Nationale Investissements. Bienvenue et merci d’écouter notre série de balados BNI sur les marchés. Aujourd’hui, nous parlerons de crédit privé et, pour cela, permettez-moi de vous présenter mon invité, Jason Mandinach, de PIMCO. Bienvenue, Jason.
Jason Mandinach
Merci, Martin. Très heureux d’être là.
Martin Lefebvre
Jason, si vous le voulez bien, commençons avec le crédit et ensuite nous passerons à l’immobilier. Ma première question est double. Quels types de tendances voyez-vous actuellement sur le marché qui stimulent la croissance du crédit privé? Et deuxièmement, comment les investisseurs peuvent-ils profiter de ces occasions?
Jason Mandinach
Absolument. Et avant de répondre spécifiquement, je ferais deux remarques. J’aimerais dire brièvement comment nous en sommes arrivés là dans le crédit privé, qui s’est beaucoup développé au cours des quelque 10 dernières années. Une grande partie du crédit privé a commencé dans un contexte de taux d’intérêt très faibles avec des marges serrées dans le crédit public alors que les gens cherchaient d’autres façons de générer du revenu. Puis, il y a eu une crainte croissante des hausses de taux et finalement le passage à des taux plus élevés.
Et une grande partie du stock de crédit privé était à taux variable. Pour ce qui est du moteur de cette croissance, une grande partie de l’expansion du crédit privé était due au fait que nous avons connu plus de 10 ans de taux d’intérêt faibles, de marges relativement étroites dans le crédit public et une migration vers des taux plus hauts. Et il y a eu un grand engouement pour les taux variables, le crédit à rendement plus élevé, dont une grande partie était du côté privé.
Voilà comment on en est venu à l’état actuel. Ce qui est intéressant, c’est qu’il y a encore beaucoup d’intérêt pour le crédit privé, mais les conditions de départ sont aujourd’hui très différentes, avec des rendements plus élevés dans le secteur public des titres à revenu fixe comme point de départ. Ils ont même monté un peu au cours des deux dernières semaines. Et je pense que les facteurs déterminants sont un peu différents aujourd’hui, notamment en ce qui concerne le cadre réglementaire du secteur bancaire. Nous voyons des banques obligées de réduire le risque de leur bilan, se retirant de l’activité de prêt, partageant le risque avec des investisseurs du marché privé, leur vendant des portefeuilles de valeurs à risque. L’un est le catalyseur du marché, à savoir la réglementation des banques, la pression sur les bilans, découlant de l’augmentation des taux d’intérêt. La crise des banques régionales aux États-Unis, il y a quelques années, était le catalyseur initial.
Puis, je pense qu’il y a un aspect lié au besoin d’investisseurs. J’aimerais souligner deux points différents à ce propos. L’un est simplement la comparaison du crédit et des actions. Les valorisations des actions sont actuellement étirées sous divers angles. Et nous voyons des rendements plus élevés sur les marchés publics, des rendements plus élevés dans des poches des marchés privés. Beaucoup d’investisseurs se demandent très simplement s’ils peuvent monter dans la structure du capital et dégager des rendements proches de ou supérieurs à dix, voire quinze pour cent sur du crédit. Cela peut être une proposition de valeur très attrayante. Voilà donc le premier aspect. Le deuxième est celui de la comparaison des volets public et privé. Là encore, je ne dirais pas que le crédit privé est toujours beaucoup plus intéressant que le crédit public. Comme je l’ai mentionné, les conditions de départ dans le secteur public sont en fait beaucoup plus intéressantes aujourd’hui qu’il y a quelques années. Et donc, nous considérons que la barre devrait être placée plus haut pour le crédit privé. Or, il y a beaucoup de crédit privé qui n’est pas à la hauteur. Nous y reviendrons. Enfin, il y a un troisième point : la diversification dans les portefeuilles de crédit. Beaucoup d’investisseurs ont augmenté leurs proportions de titres à rendement élevé, prêts adossés et prêts directs aux entreprises. Avec ce qu’on voit dans le secteur bancaire, il y a toute une gamme de possibilités en dehors du crédit plus traditionnel accordé aux entreprises du côté privé, que ce soit la dette immobilière commerciale, diverses formes de prêts adossés à des actifs ou le prêt hypothécaire résidentiel.
Et donc, le besoin de diversification des investisseurs est une autre tendance clé dans le crédit privé.
Martin Lefebvre
Je vois. Nous reviendrons à la diversification dans un instant. J’ai d’autres questions à ce sujet, mais il faut savoir que la plupart de nos investisseurs n’ont que des positions longues, principalement dans des catégories d’actifs ordinaires. Donc, dans la comparaison du crédit privé aux titres à revenu fixe traditionnels, en termes de risque et de rendement, quels avantages voyez-vous et que tendent-ils à offrir aux investisseurs?
Jason Mandinach
Commençons par les points de similarité. Comme dans le crédit public, dans le crédit privé, il existe des valeurs de plus grande qualité, de qualité investissement ou à risque proche de cette qualité, mais aussi des instruments de crédit à rendement plus élevé ou légèrement plus risqués. Il y a aussi la possibilité de prêter à différents secteurs de l’économie. Côté public, on a le crédit aux entreprises, les titres hypothécaires adossés à des actifs commerciaux. On a des titres reliés à des hypothèques résidentielles, et il y a d’autres titres reliés au financement de matériel ou de l’aviation. Côté privé, on trouve exactement la même dynamique. Voilà donc pour les similitudes.
Les différences sont du côté privé, typiquement, ces opérations sont moins liquides au départ, sont souvent un peu plus complexes, soit à la souscription soit au montage de la transaction, ce qui se solde par une prime de liquidité ou un rendement plus élevé qu’on peut générer en passant des marchés publics aux marchés privés. Dans certains secteurs, comme celui des prêts adossés à des actifs actuellement, cette prime peut atteindre 200, 300, 400 points de base. Sur les marchés des entreprises, il y a eu plus de convergence entre le public et le privé. Il y a toujours un surcroît de rendement dans le crédit privé. Mais pour un risque de qualité similaire, il se situe typiquement entre 100 et 150 points de base. Une marge un peu plus étroite, principalement parce qu’il y a eu beaucoup plus de formation de capital. Beaucoup plus de capital mobilisé pour les occasions à saisir sur le marché des entreprises, alors qu’il y a moins de concurrence dans certaines formes de crédit privé liées à des actifs ou des biens immobiliers.
Martin Lefebvre
Jason, vous avez parlé de similarités avec des titres à revenu fixe plus traditionnels. Quel genre de corrélation obtient-on en investissant dans ces titres? Quel genre de diversification réalisent les investisseurs en passant à ce genre de titres?
Jason Mandinach
Je pense qu’en passant à un portefeuille de crédit privé résilient, bien souscrit, on devrait pouvoir réduire les corrélations à trois domaines clés. Premièrement, réduire la corrélation avec les actions. Deuxièmement, réduire la corrélation avec ce que j’appellerais les marchés du crédit à bêta plus élevé, donc les prêts à rendement ou à effet de levier élevés. Et troisièmement, réduire la corrélation avec les titres à revenu fixe traditionnels mesurés par l’indice Barclays Aggregate, par exemple. Maintenant, c’est la stratégie elle-même qui dictera comment se présenteront ces corrélations in fine, mais nous avons toute une variété de stratégies chez PIMCO qui peuvent réduire ces corrélations à bien moins que 0,5.
Martin Lefebvre
D’où provient cette absence ou baisse de corrélation?
Jason Mandinach
Elle provient de différents facteurs. L’un est une bonne ou une mauvaise chose à propos du crédit privé, à savoir qu’il est typiquement valorisé moins fréquemment. Souvent, les fonds privés ne sont évalués qu’une fois par trimestre. Certains des fonds semi-liquides plus récents le sont mensuellement. Rien que cela réduit déjà la volatilité au jour le jour avec certains des indices de référence plus publics que j’ai mentionnés.
Il y a aussi certains risques plus variables par nature, ce qui a été favorisé par la hausse des taux. Rappelons, en passant, que cela peut jouer contre vous dans un contexte de chute des taux parce que vos coupons baissent aussi. La volatilité due à la hausse des taux souverains n’est pas toujours très bonne pour le crédit à taux variable, mais cela a bien fonctionné jusque-là. Et en troisième lieu, quelques stratégies elles-mêmes sont en cause. Il existe des formes de crédit privé dont la corrélation avec des formes traditionnelles de risque est simplement moins grande. Certains exemples extrêmes ont fait les manchettes récemment, par exemple l’achat de portefeuilles de redevances sur la musique. Le financement de l’aviation, notamment l’achat d’avions pour les louer, est un autre exemple présentant moins de corrélation avec les marchés traditionnels de titres de dettes ou d’actions. Je dirais donc que c’est une combinaison de ces trois éléments.
Martin Lefebvre
D’accord, excellent. Passons maintenant à quelques questions sur le crédit immobilier. Comme vous le savez, il y a différentes structures, les prêts de premier rang, le crédit mezzanine ou même les titres adossés à des financements hypothécaires d’immeubles de rapport (ou CMBS : commercial mortgage-backed securities). Quel type de titres trouvez-vous le plus intéressant sur une base corrigée du risque dans le contexte actuel?
Jason Mandinach
Du côté de l’immobilier, il y a deux secteurs sur lesquels nous nous centrons le plus. L’un est celui des prêts de premier rang. Donc, ici, un prêteur de premier rang de grande qualité, spécifiquement centré sur la dette immobilière de transition. Et ce, tout en maintenant le ratio prêt/valeur bien dans la fourchette des 60, 65 %. Cela peut se faire en évitant certains secteurs plus risqués comme les immeubles de bureaux et en restant à un niveau de qualité relativement élevé dans des domaines tels que la logistique, le logement collectif, les infrastructures de données.
Et contrairement à certaines des dynamiques que j’ai mentionnées dans le secteur des prêts directs aux entreprises, comme vous et vos auditeurs le savez sans doute, l’immobilier n’a pas soulevé grand enthousiasme chez les investisseurs ces dernières années. Et de ce fait, il a été plus difficile pour de nombreux gestionnaires de mobiliser du capital. Certains des prêteurs existants, qu’il s’agisse de banques ou de FPI hypothécaires ou même d’autres fonds de dettes, ont été plus défensifs qu’offensifs sur ce créneau. Et cela donne vraiment la possibilité à des prêteurs souples, bien capitalisés, d’intervenir et d’offrir du financement de transition de premier rang à des marges intéressantes, des rendements tout inclus attrayants avec un certain potentiel de hausse à partir de là parce qu’on peut appliquer un effet de levier à certains de ces actifs. C’est donc un domaine auquel nous portons attention.
Le deuxième est celui que j’appellerai plutôt les solutions de capital. Le premier représentait davantage une sortie du secteur du crédit public. Et on trouve beaucoup de bons actifs avec des structures du capital en difficulté, en raison de la façon dont l’opération a été montée dans un contexte de taux d’intérêt bas dans l’espoir d’une poursuite de la hausse des prix des actifs du côté immobilier. Voilà donc les deux secteurs qui se démarquent à nos yeux sur la base du rendement corrigé du risque. L’un appartient au monde des crédits productifs et l’autre davantage à celui du capital hybride et en concurrence avec des rendements propres aux actions.
Martin Lefebvre
Jason, j’ai une dernière question. L’immobilier est souvent perçu comme une source de revenu régulier. Comment ces genres d’instruments peuvent-ils être structurés pour s’aligner sur les objectifs de revenu et de préservation du capital des investisseurs?
Jason Mandinach
Je pense que le premier domaine, celui des prêts immobiliers de transition, peut réellement jouer un rôle clé de ce point de vue s’il est bien souscrit à un niveau élevé de prêt dans la structure du capital pour des actifs dont nous pensons qu’ils ont beaucoup de résilience dans une gamme de scénarios économiques différents. De bien des manières, c’est le type de profil de rendement qui ressemble à ce que vous avez mentionné, avec l’achat d’un immeuble il y a plusieurs années et la production d’un flux de revenu stable. Et donc le plus grand avantage est de monter dans la structure du capital, avec des prêts de premier rang résilients sur des actifs dont nous pensons qu’ils peuvent être productifs dans divers scénarios économiques et générer des rendements de l’ordre de 10 % sans levier, qui répondent bien à beaucoup d’objectifs des investisseurs. Si vous réussissez à dégager des rendements de cet ordre avec une protection réellement solide contre une chute, une volatilité faible, un risque limité de dépréciation du capital, nous pensons que cela suscitera beaucoup de demande. Et l’immobilier est souvent un domaine du marché sous-représenté dans le portefeuille des investisseurs. Ainsi, pour revenir à votre question précédente sur la diversification, il peut jouer un rôle de diversification crucial dans un portefeuille qui est habituellement très centré sur les prêts traditionnels de flux de trésorerie.
Martin Lefebvre
Jason, nous concluons ici notre entretien. Merci infiniment de votre participation. Elle est très intéressante et appréciée. Et à nos auditeurs, merci d’avoir été à l’écoute. Notre série de balados BNI reprendra le mois prochain. Merci.
Jason Mandinach
Merci, Martin. Merci du temps que vous m’avez accordé.