Tanya Macpherson (TM) et Annamaria Testani (AT)
TM:
Bonjour et bienvenue à BNI en bref. Je m’appelle Tanya Macpherson. J’occupe le poste de vice-présidente régionale, Centre du Canada, Banque Nationale Investissements. Je suis heureuse d’accueillir Annamaria Testani, première vice-présidente, Ventes nationales, Banque Nationale Investissements. Aujourd’hui, notre discussion portera sur l’écoute active.
Bienvenue Annamaria!
AT :
Bonjour Tanya! Merci de l’invitation.
TM:
Pouvez-vous nous expliquer en quoi consiste l’écoute active? Qu’est-ce que cela signifie?
AT :
Vous savez, c’est drôle. Il s’agit d’un mot à la mode qui circule dans les médias, mais il existe une vraie définition pour l’écoute active. Il ne s’agit pas seulement d’écouter dans le but de réagir ou de répondre. L’écoute active consiste à faire porter son attention uniquement sur l’interlocuteur pendant qu’il s’exprime. Il ne faut pas essayer de déterminer ce qu’il dit, mais plutôt ce qu’il souhaite communiquer.
L’écoute active est l’art de comprendre le message que l’interlocuteur vous transmet et de reconnaître son importance à ses yeux. J’ai remarqué Tanya que souvent nous écoutons pour juger, pour être en mesure de dire « Ah, vous voulez dire ceci. » Et ensuite, nous intervenons ou nous interrompons notre interlocuteur. Ce n’est pas ça l’écoute active. L’écoute active nécessite un certain silence de notre part au cours duquel nous laissons la personne s’exprimer et, si elle a du mal à formuler ce qu’elle veut dire, nous ne devons pas prendre le relais. Il faut lui demander des éclaircissements. Il faut poser des questions à valeur ajoutée qui lui permettront de poursuivre. N’est-ce pas? Ainsi, lorsqu’elle précise sa pensée, cela vous permet de mieux comprendre. « Oh! Je vois ce que vous voulez dire. »
Vous savez, il nous arrive souvent d’écouter en croyant savoir ce que la personne va dire. Ensuite, nous jugeons et nous disons « Non, ce n’est pas ça. » Ce n’est pas ça de l’écoute active. Pour écouter activement, il faut prendre une pause, absorber l’information reçue, demander des éclaircissements, poser des questions à valeur ajoutée, prendre une autre pause, comprendre ce que la personne a voulu dire et ensuite penser à notre reformulation.
TM:
Cela a du sens. Pourquoi pensez-vous que notre façon de communiquer avec nos clients est si importante, particulièrement aujourd’hui avec tout ce qui se passe autour de nous, autour du monde?
AT :
L’un des obstacles ou l’un des angles morts que nous rencontrons le plus souvent, c’est le fait de présumer un besoin récurrent. Ainsi, je présume que la personne est inquiète au sujet de la COVID. Souvent, si je suis une conseillère, je commence ma conversation en lui fournissant une énorme quantité de détails, mais sans même avoir déterminé ce qui est vraiment important pour elle.
C’est ce qui arrive si nous suivons un scénario. Nous suivons ce scénario, il s’agit de la cliente Tanya, ou il peut s’agir de Jean, de Sylvie, ou de toute autre personne. Malheureusement, votre scénario devient répétitif. Mais à aucun moment je n’essaie de déterminer ce qui vous préoccupe. Il s’agit peut-être de quelque chose que vous ne savez même pas. Je devrai probablement creuser un peu plus pour savoir ce qui est important. Nous supposons que le facteur de stress d’un client est le même que celui d’un autre. Et cela fait en sorte que nous avons encore plus d’angles morts. En sortant de votre bureau, certains clients peuvent dire : « Vous savez quoi, Annamaria est formidable, mais je ne pense pas qu’elle réponde aux attentes que j’avais fixées. » Et nous sommes alors pris de court lorsque les clients nous quittent. Je pense souvent que cela a à voir avec le fait que vous parliez, mais que la personne ne vous entendait pas.
TM:
Également, lorsqu’il est question de parler à une personne qui n’écoute pas, dans l’article que vous avez rédigé récemment sur l’écoute active vous avez écrit : « Si vous vous parlez à vous-même, vous n’écoutez pas ce que le client vous dit ». Alors, ce n’est pas seulement ça, c’est se parler à soi-même, qu’est-ce que vous voulez dire par cela? Quel est le rapport avec la conscience de soi?
AT :
Oui, tout cela a à voir avec ce que j’appelle le dialogue interne. Nous avons tous un dialogue interne. Non, vous n’êtes pas fous! C’est quelque chose que vous faites en vous disant : « Je me demande si c’est une bonne chose, si cela est logique ». C’est le genre de chose que nous faisons sans même nous en rendre compte. Ce que j’explique aux gens c’est que chaque fois que j’ai un doute ou que je me parle à moi-même, c’est du temps gaspillé parce que je ne prends pas le temps de mieux connaître la personne devant moi ou que je ne l’écoute pas. Cette personne ne s’arrêtera pas de parler pas juste parce que vous êtes en train de penser. Bien souvent, les gens vont dire « Bon, je pense que c’est ce qu’elle voulait dire ». Je me dis alors : « D’accord. Avez-vous vérifié? Avez-vous eu la confirmation? Avez-vous obtenu plus d’information qui vous aurait amené à conclure que ce qui vous inquiétait était ce dont vous devriez vous préoccuper? » Non. N’oubliez pas, nous nous en remettons aux hypothèses. Notre dialogue interne, malgré sa pertinence, peut prendre trop de place. Il nous empêche d’écouter activement.
TM:
Comment pouvons-nous apprendre à reconnaître nos préjugés et les éléments qui déclenchent le dialogue interne afin d’être dans le moment présent avec nos clients?
AT :
Comme vous le savez, il existe quelques petits trucs. Encore une fois, vous pouvez rechercher « écoute active » dans Google et vous obtiendrez une foule de renseignements. Je n’ai pas besoin de réinventer la roue. L’écoute active est expliquée par de nombreux experts dans le domaine, mais je peux vous dire ceci. D’abord et avant tout, il faut rester concentré. Il arrive souvent que je demande aux gens « Alors, quel était le but de la rencontre? » Et l’on me répond : « Qu’est-ce que vous voulez dire? » Je réponds alors : « Je sais que tu as tenu ta rencontre trimestrielle avec ton client » – ou ta rencontre semestrielle ou annuelle – « Quel était le point central de la discussion? Qu’est-ce que tu veux tirer de la discussion ou qu’est-ce que ton client veut en tirer? » « Je ne sais pas ce que le client veut en tirer. » Bon, c’est peut-être un point qu’il faut éclaircir dès le départ! Alors, restez concentré. Ne vous éloignez pas du sujet. Qu’est-ce que vous voulez dire exactement? Ne vous perdez pas dans les détails. Bien souvent, lorsqu’il y a une pause ou d’après le langage non verbal d’une personne – un haussement de sourcils ou une tension qui s’installe, que faites-vous? Notre dialogue interne démarre et nous fournissons encore plus d’information. Vous savez, se perdre dans les détails est un désavantage, parce qu’à la fin de la discussion vous vous direz « J’ai maintenant dit tout ce que je pouvais possiblement lui dire ». Dans les faits, tout ce que j’ai fait c’est submerger la personne de renseignements. Et maintenant, je supposerai qu’elle sera en mesure de digérer le tout par elle-même. Voilà! J’ai fait mon travail. Non.
Dans le monde des services-conseils, il ne s’agit pas de se pointer et de déverser toutes ses connaissances. Il s’agit de l’information que la personne est en mesure d’absorber, parce que je ne veux pas m’éloigner du sujet et je veux rester concentrée sur mon but. Je pense que le dernier élément – après rester concentrer et ne pas se perdre dans les détails – consiste avant tout à ne pas agir d’abord et penser ensuite. Bien souvent dans notre domaine, parce que c’est mathématique, parce que nous travaillons en finances, avec des chiffres, nous avons tendance à faire 1+1=2. Vous me posez une question; je sens le besoin de vous répondre avec des chiffres. Je dois être en mesure de vous fournir une réponse de type binaire. Ce n’est pas un 1 ni un 0. Non, ce n’est pas comme cela que ça fonctionne. Il ne faut pas agir sur la base des émotions, parce que la personne me pousse à dire si c’est bien ou mauvais. Bien souvent, je dis aux gens : « Si vous n’êtes pas certain, reculez ». Alors, pour que je sois en mesure de répondre à la question de la personne à savoir si elle doit ou non retirer de l’argent de ton REER, j’ai besoin de lui poser encore quelques questions. Parce que j’ai besoin de renseignements importants pour fournir des conseils pertinents.
Alors, qu’est-ce que je fais? Je ne réponds pas à la question même si je sens la pression ou l’urgence de la demande. Je ne me laisse pas guider par cette émotion. J’atténue en disant : « J’ai besoin d’éclaircissements. J’ai besoin de renseignements supplémentaires ». Je répondrai rapidement, mais il ne faut pas oublier que mon travail consiste à donner des conseils. Mon travail consiste à découvrir les angles morts. Si je laisse mes émotions me guider parce que je veux répondre, je n’écoute pas activement. Vous retournez dans votre tête. Vous reprenez votre dialogue.
En restant concentré, vous ne vous perdez pas dans les détails, même si vous aimez bien ces détails, vous avez passé une année entière à les compiler, mais vous ne devez pas agir d’abord et penser ensuite. Pensez d’abord et agissez peu de temps après. Vous seriez surpris de constater à quel point une pause de 15 secondes peut enrichir un dialogue.
TM:
Alors, aller au-delà de « Quel a été le rendement de mon portefeuille? Voici ce que vous pouvez faire. » Approfondir le sujet.
AT :
Bon, ma question à vous Tanya : Croyez-vous que ces services peuvent être commercialisés?
TM:
Je veux dire, de nos jours, il existe une foule de différentes plateformes qui peuvent me permettre de créer un portefeuille et d’établir sa composition selon mon évaluation des risques. Certainement. Je peux probablement le faire à bon marché.
AT :
Et la réalité est que les logarithmes n’ont pas été mis au point pour l’écoute active. Ils sont transactionnels. Si vous cliquez à un endroit, il saute à une conclusion. Si vous cliquez deux fois à un autre endroit, cela signifie que ce produit doit vous intéresser. Ce qui fait en sorte que dans le monde dans lequel nous vivons, si nous voulons vraiment nous démarquer par cet aspect humain, nous devons échanger avec le client et aller au-delà de ses attentes. N’est-ce pas? Allez au-delà de ce qui est numérisé et commercialisé.
Je pense aux rendements expliquant le passé, où vous en êtes, épargnez-vous suffisamment, ce sont là des renseignements fournis, ce sont les enjeux sur la table. Ce sont les conseils que les clients vont rechercher Mais n’oubliez pas, je veux me démarquer. Pour me démarquer, je dois déterminer quels sont vos angles morts. Comment faire? Je ne peux pas y arriver si je parle constamment. Parce que je sais ce que je sais, mais il y a des choses que vous savez et que j’ignore.
TM:
Cela a du sens. C’est ce qui ajoute de la valeur n’est-ce pas?
AT :
Absolument. Absolument.
TM:
Cette compréhension plus approfondie des besoins et des inquiétudes des clients ne peut pas être obtenue à l’aide d’un algorithme, vous ne pouvez pas ajouter : « Je dois savoir si mon enfant qui souffre d’une maladie sous-jacente va s’en sortir financièrement. C’est ce qui me préoccupe. » Et tous les autres événements importants qui surviennent dans la vie des gens. Vous ne pouvez pas entrer ça dans un ordinateur.
AT :
Même si vous le pouviez, il s’agirait d’un environnement très restreint. On vous demandera combien cela coûtera. Vous pourriez peut-être avancer un chiffre. C’est un problème.
Encore une fois, écoutez-vous activement lorsqu’un client omet certains faits et réduit probablement leur portée en disant que ce n’est pas important. Vous vous démarquez en disant : « Je comprends pourquoi vous dites que ce n’est pas important aujourd’hui, mais vous savez quoi, cela pourrait poser problème dans 10 ans. Nous pouvons compenser en faisant A, B, C. » En allant plus loin, c’est ce qui renforcera la fidélisation des clients. Certainement.
TM:
Alors, cherchons à en savoir un peu plus sur vous. Vous êtes première vice-présidente à la Banque Nationale, vous travaillez avec différentes divisions au sein de l’organisation, vous siégez à différents conseils d’administration, vous êtes une femme, une mère. De quelle façon l’écoute active vous a-t-elle aidé dans vos multiples rôles?
AT :
Je pense que l’écoute active a permis d’améliorer la conscience de soi et ce que je veux dire par là c’est l’expression que nous entendons souvent à propos de l’intention par rapport à l’impact. Oui, j’ai toujours eu un impact lorsque j’ai travaillé avec un grand nombre de personnes, mais parfois l’intention n’était pas vraiment comprise. En prenant conscience de l’écoute active, en ne réagissant pas trop rapidement quand vos enfants disent certaines choses, ou votre mari ou vos collègues de travail, auparavant je sautais immédiatement aux conclusions. Comme lorsqu’ils disent ceci et ceci n’est pas bon. Alors tu commences par cette reformulation négative et tu la verbalises pour te rendre compte que tu crées de la friction.
Ce que j’ai remarqué chez les grands leaders du secteur, qui sont de grands communicateurs, ils utilisent le vocabulaire de façon éloquente pour transmettre le message, mais avez-vous remarqué qu’ils font des pauses souvent? Et qu’ils écoutent? Et qu’ils absorbent? Et qu’ils s’accordent cette confiance. Je fais cela souvent aujourd’hui lorsque je parle avec mes enfants, j’ai souvent tendance à dire : « Bon, alors dis-moi pourquoi c’est important. Tu me dis que tu as un dilemme. Dis-moi pourquoi ce point te préoccupe, pourquoi est-ce si important? » Auparavant, j’aurais dit : Oublie ça. Passons à autre chose. Je leur imposais mes idées. Comme si mon dialogue se limitait à ça.
Maintenant, je suis très consciente de mon impact sur ce que les autres personnes ressentent. Mon intention est toujours la même, mais l’impact est ressenti d’une façon plus collaborative. Les gens sentent mon empathie, mais j’ai toujours eu de l’empathie. C’est juste que l’impact ne le révélait pas. Ainsi, avec le temps vous devenez une meilleure personne. Vous devenez beaucoup moins stressé, vous ne ressentez plus ces hauts et ces bas. Quand vous êtes jeunes, dans la vingtaine et dans la trentaine, vous ressentez ces hauts et ces bas. Lorsque vous écoutez activement, vous n’avez pas ces bas. Vous n’avez plus ces hauts non plus. Vous êtes habituellement dans une position de confiance toute la journée. Il s’agit de vous affirmer sans jugements ni hypothèses tout en étant en mesure d’amener les gens à réfléchir d’une façon proactive et constructive.
TM:
Annamaria Testani, merci beaucoup de votre participation aujourd’hui à BNI en bref. Merci d’avoir partagé vos réflexions.
AT :
C’est moi qui vous remercie, ce fut très agréable Tanya. Nous devrions faire ça plus souvent.
TM:
Assurément! J’aimerais remercier les personnes qui se sont jointes à nous. Si vous avez des questions ou des commentaires, veuillez communiquer avec votre représentant de Banque Nationale Investissements. Nous sommes toujours heureux de prendre connaissance de vos commentaires. Merci!